Santé des abeilles et arboriculture : le débat refleurit !

Nouveau projet d’étude réunissant apiculteurs et arboriculteurs pour mieux comprendre le rôle des abeilles dans les vergers et assurer leur protection
C’est une réflexion, entamée au siècle dernier, qui continue d’animer le monde apicole et celui des cultivateurs d’arbres fruitiers. Autour de la valeur ajoutée de la présence des abeilles dans les vergers mais aussi des risques qu’elles encourent au regard des pratiques actuelles des arboriculteurs. Ces sujets sont le cœur du projet FLEUR, initié en 2021 par l’ITSAP-Institut de l’abeille autour de 5 partenaires techniques et scientifiques en Basse-Durance, afin de Favoriser l’Emergence d’Usages pour Répondre aux enjeux apicoles et arboricoles régionaux.
La polémique a plus de 120 ans. En effet, dès la fin du XIXème siècle, les arboriculteurs nord-américains sont les premiers cultivateurs à remarquer que la présence d’abeilles dans les vergers, au moment de la floraison, représente un réel bénéfice pour leur production et, à en faire état. Inspirés par leurs confrères d’outre-Atlantique, dont les pratiques ont été relayées par les organes de presse de syndicats agricoles départementaux, d’associations ou de sociétés françaises de pomologie, les arboriculteurs français leur emboitent le pas et font installer des ruches dans les vergers, dans les années 1900.
Introduction des pesticides : le temps de la discorde
Au départ, cette cohabitation territoriale a tout d’une entente cordiale, comme en témoigne certaines publications aujourd’hui centenaires. Les cultures constituent une ressource alimentaire réelle pour les abeilles qui, en retour, participent à la transformation des fleurs, en graines ou en fruits.
Mais l’usage de composés arsenicaux, introduits dans les pratiques culturales pour limiter les dommages causés par des insectes ravageurs, a raison de ce mariage de raison. Les intoxications d’abeilles dues à l’application des insecticides sur les vergers en fleurs deviennent un motif de crispation entre les apiculteurs et les arboriculteurs.
Un siècle plus tard, en dépit des lois et des recommandations techniques visant à protéger les abeilles pendant la floraison, les intoxications d’abeilles demeurent un sujet controversé sur les territoires. L’avancée des connaissances scientifiques tant sur le rôle des abeilles dans la pollinisation que sur la manière dont les pesticides affectent leur santé, ne permet de parvenir qu’à un consensus très ponctuel entre les différents acteurs.
Les cultivateurs de plantes entomophiles hésitent désormais à faire appel à ce « service de pollinisation» des abeilles par crainte de litige quand les apiculteurs évitent de plus en plus d’offrir ces prestations aux premiers, par crainte de voir leurs colonies pâtir d’éventuels traitements réalisés pendant la floraison.
L’émergence timide d’initiatives communes
Ce questionnement sur la méthode ainsi que le climat de défiance réciproque ont été très peu abordés par les organismes techniques et de développement arboricoles et apicoles et ce, pendant des décennies. Le manque d’informations techniques et institutionnelles claires et objectives a continué d’amplifier les craintes et la méfiance entre les deux professions.
On a observé cette même situation de « saine distance » entre apiculteurs et cultivateurs de plantes oléagineuses ou fourragères. Certaines initiatives locales ont toutefois permis d’établir des connaissances empiriques, reprises naturellement par les structures du développement, au fil du temps. Et grâce à celles-ci, des liens de confiance se sont retissés, ponctuellement.
Une prise de conscience collective sur l’importance de préserver les abeilles pour la production agricole et le constat de l’érosion massive des populations d’insectes auxiliaires à partir des années 2000, ont conduit les acteurs agricoles à vouloir dépasser cette querelle. Trouver ensemble des formes d’organisation compatibles avec la santé des abeilles et le maintien des rendements agricoles est devenu une nécessité.
La fine fleur de la concertation
C’est dans ce contexte de détente des relations qu’a pu voir le jour le projet FLEUR, conduit par l’ITSAP-Institut de l’abeille et réunissant INRAE Abeilles & Environnement, l’ADAPI, le GR, le CETA Basse Durance et la Station Expérimentale La Pugère. Son objectif ? Rassembler les arboriculteurs, les apiculteurs et les acteurs R&D des structures techniques de conseil et d’expérimentation afin qu’ils testent de manière concertée des pratiques innovantes pour mieux protéger les abeilles pendant la période de floraison et de pollinisation des vergers.
Grâce à un financement du Fonds européen FEADER PEI ainsi que de la Région Sud-PACA en 2021 et 2022, des approches inédites seront déployées autour de 3 actions : la recherche de la combinaison la plus favorable, entre les pratiques agricoles et les éléments paysagers fleuris en vue de préserver la santé des colonies d’abeilles domestiques ; la conception et la mise à l’épreuve de techniques de préparation de ces mêmes colonies et de fidélisation des abeilles sauvages. Et enfin, la création d’outils et de références technico-économiques pour renforcer le dialogue entre les apiculteurs et les arboriculteurs.
Le projet FLEUR a débuté en janvier 2021 avec la mise en place d’un observatoire des résidus de pesticides et la recherche des virus d’abeilles domestiques en verger d’abricotiers et de pommiers. En complément, depuis le mois de mars et jusqu’à la fin avril, des évaluations de colonies en prestation de pollinisation et un suivi des insectes pollinisateurs des vergers sont réalisées. A l’automne, il est enfin prévu qu’apiculteurs et arboriculteurs dialoguent ensemble afin de partager leurs besoins et fassent part de leurs contraintes, lors d’ateliers de concertation.