La pertinence d’un réseau d’exploitations de référence

Sur le modèle des réseaux d’exploitations agricoles de référence qui fonctionnent depuis longtemps déjà dans les filières herbivores, l’Itsap a lancé son propre réseau pour acquérir de précieuses informations technico-économiques chez les apiculteurs. Rencontre avec une spécialiste de ce type d’observatoire, Sophie Boyer, chef de projet à l’IDELE (Institut de l’élevage) et coordonnatrice du réseau de références Equins.
– Pouvez-nous nous expliquer à quoi servent et comment fonctionnent les réseaux d’exploitations de référence ?
Sophie Boyer : Les réseaux d’élevage ont été mis au point dans les années 80 afin d’analyser le fonctionnement des exploitations : INOSYS Réseaux d’élevage est un partenariat associant des éleveurs volontaires, des ingénieurs de l’Institut de l’élevage et des Chambres d’agriculture. Cette plateforme a pour objectif la production de références sur les systèmes d’élevage herbivores à destination des exploitants et de leurs conseillers. Actuellement 1080 exploitations sont suivies sur l’ensemble du territoire français, dans le cadre d’un financement national, sur 5 filières : bovin/viande, bovin/lait, ovin/viande, ovin/lait et caprin.
– Dans le cadre de ces réseaux, comment s’organise l’observation sur le terrain ?
S.B. 200 conseillers des Chambres d’agriculture, répartis en 32 équipes régionales, recrutent les exploitations. Ils les choisissent selon des critères de performances et de compétences. Puis ils récoltent des informations et les saisissent sur un logiciel commun, Diapason. 25 ingénieurs de l’IDELE pilotent et coordonnent ces 32 équipes. La finalité est d’observer afin de mieux connaître les systèmes de production dans toute leur diversité et d’exploiter ces données pour créer des références. Toutes ces études sont envisagées dans la durée. Les conventions de partenariat sont élaborées sur 6 ans.
– Qu’est-ce qu’une référence et en quoi est-elle utile ?
S.B. Une référence, c’est un repère de fonctionnement contextualisé : la localisation, le type d’élevage, la stratégie de développement, le type de produits commercialisés, etc. Dans le cas du réseau Equins par exemple, nous allons créer des références qui tiennent compte de nombreux paramètres : si c’est un centre équestre, est-ce qu’il est en milieu rural avec peu de clients, spécialisé sur les très jeunes enfants, ou bien est-ce qu’il s’agit d’un centre équestre périurbain avec une fréquentation importante, plus de 300 clients et plutôt tourné sur les cours jeunes et adultes… ? L’établissement est-il orienté sur la compétition et le perfectionnement ou sur l’animation, l’initiation… Ou encore à quel prix il achète son fourrage, dont le prix n’est pas le même en Corrèze ou dans le Sud-Est.
– À propos de Corrèze, vous êtes basée à Pompadour. Pourquoi ?
S.B. En 2005, l’IFCE – Institut français du cheval et de l’équitation, a lancé un appel d’offres pour élaborer des références technico-économiques sur la filière équine. L’IDELE a remporté cette consultation et j’ai été recrutée à ce moment-là. Dans la mesure où l’IFCE disposait de toutes les données sur les élevages équins, je me suis installée au plus près de ces ressources, à Pompadour (19).
– Vous coordonnez donc le réseau de références Equins. Qu’apporte-t-il à la filière équine ?
S.B. Au départ, nous nous sommes inspirés du modèle Inosys – réseaux d’élevage pour recruter jusqu’à 300 exploitations dans toutes les régions. Un audit réalisé en 2014 a montré que ce réseau était très utile aux conseillers agricoles et à l’enseignement. Actuellement, il est resserré autour de 130 exploitations suivies par 15 ingénieurs spécialisés. Cela forme une seule équipe que j’anime au niveau national.
Ces 130 exploitations ont des configurations très différentes : il y a des fermes équestres, des centres équestres, des écuries de pensions et des élevages. Dans tous les cas, les données d’observation sont également saisies sur Diapason. Cet apport de données contribue à la professionnalisation de la filière équine. Les conseillers sont formés et leur expertise permet de mieux accompagner à la fois les porteurs de projet et les exploitants. Nous disposons également d’outils d’analyse pour identifier les points de progression et proposer des formations en région sur ces sujets.
– Un exemple concret pour illustrer cet apport ?
S.B. Nous créons des outils pratiques destinés aux professionnels. Par exemple, l’exploitant qui souhaite évaluer ses performances va sur le site de l’IDELE, à la rubrique Services – outils, et clique sur Equipilote. C’est un petit questionnaire très rapide, et très simple à remplir, qui va lui donner des indicateurs par rapport à des statistiques moyennes observées. L’Itsap vise à terme le même outil pour les apiculteurs.
– Comment s’est organisée la coopération avec l’Itsap pour créer son réseau de référence apicole ?
S.B. Nous intervenons surtout en appui méthodologique : comment mettre en place les outils, élaborer des cas types, utiliser le logiciel Diapason et valoriser les références. L’idée de toute manière, est identique : s’appuyer sur des exploitations existantes et les suivre dans la durée pour créer des références contextualisées. Ce type de réseau, que ce soit pour les chevaux ou pour les abeilles, est une vraie richesse pour modéliser le fonctionnement d’une exploitation et, grâce à ces cas types, orienter le développement d’une filière selon les régions.