Et si la PAC faisait à nouveau une fleur aux abeilles ?
Réflexions sur de nouvelles Mesure Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) en faveur des apiculteurs
Concernant les agriculteurs ou apiculteurs, la nouvelle programmation de la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027 reste centrée sur la MAEC-API qui vise à maintenir le service de pollinisation assuré par les abeilles domestiques dans des zones intéressantes au titre de la préservation de la biodiversité. Afin de l’enrichir éventuellement de nouvelles dispositions, des salariés et administrateurs du réseau R&D apicole, réunissant le réseau national des Associations de développement de l’Apiculture (ADA) et l’ITSAP-Institut de l’abeille, ont dialogué de manière originale, donnant naissance à quatre nouvelles dispositions, soumises à l’interprofession INTERAPI.
Le Plan Pluriannuel d’engagement (PPE), validé par les administrateurs de l’ITSAP-Institut de l’abeille lors de l’Assemblée Générale 2020, a acté une nouvelle gouvernance une nouvelle gouvernance entre les deux têtes du réseau, ce dernier et ADA France. Ces cellules de coordination rassemblent des salariés et des élus du réseau R&D dont l’objectif est d’éclairer les choix stratégiques de nos administrateurs, d’un point de vue technique. Elles ont également vocation à répondre aux questions des apiculteurs afin de les aider à améliorer la durabilité de leurs exploitations. Une nouvelle cellule a donc été créée par les Conseils d’Administration des deux structures pour réfléchir et proposer ensemble de nouvelles mesures agro-environnementales et climatiques dans la programmation 2022-2027 de la PAC. Si l’ITSAP-Institut de l’abeille avait travaillé seul sur ce sujet lors du précédent programme en 2012, il lui est apparu nécessaire en 2021 d’anticiper et de coordonner des échanges techniques avec ADA France afin de proposer des conclusions et perspectives concertées à l’interprofession.
Soutien financier et recommandation technique
Depuis plus de deux décennies, la préservation et l’amélioration du potentiel de pollinisation des abeilles dans des zones intéressantes au titre de la biodiversité, est prise en charge financièrement par la PAC, dans le cadre de son deuxième pilier. Un grand nombre d’apiculteurs, sur l’ensemble du territoire national, bénéficie aujourd’hui de la MAEC-API. Elle permet d’indemniser leur surplus de dépenses s’ils se conforment au cahier des charges suivant : maintenir un certain nombre de colonies dans les zones éligibles pour une durée définie. Pour la période précédente (2013-2021), l’ITSAP-Institut de l’abeille avait ré-évalué le manque à gagner par ruche concernée par la disposition MAEC-API, faisant passer l’aide de 17 € à 21€ par unité.
Cette année, la cellule de coordination a souhaité défendre deux mesures principales à destination des agriculteurs et apiculteurs. La proposition n°3 vise au renforcement des ressources nectarifères et pollinifères sur l’exploitation. Des pratiques favorables aux insectes pollinisateurs et auxiliaires par la limitation de l’usage des pesticides et l’aménagement d’infrastructures agro-écologiques sont portés par la proposition n°4, qui pourra faire l’objet d’un Eco-programme.
Concernant le service de pollinisation à proprement parler, la réflexion a porté sur la pérennisation de la MAEC-API dans sa forme actuelle, l’abeille domestique restant un vecteur de la pollinisation reconnu, indispensable, adaptable, grâce à l’intervention et au travail des apiculteurs. En effet, ces professionnels jouent un rôle clé dans le maintien d’un cheptel en bonne santé qui assure ce service de qualité partout en France.
Des apiculteurs partagés sur l’évolution de la MAEC API
La consultation du réseau des ADA a permis de mettre en lumière le fait que de nombreux apiculteurs souhaitaient conserver la mesure existante en l’état. Il était cependant important pour l’ITSAP d’envisager des évolutions possibles, en conservant une objectivité et en tenant compte des connaissances scientifiques à date. Celles-ci ont d’ailleurs démontré le rôle majeur de la pollinisation par les insectes sauvages mais, par ailleurs, l’existence d’une compétition entre insectes pour les ressources florales, dans certaines situations. Si les études faisant état de cette concurrence restent peu nombreuses, elles sont néanmoins en augmentation. Il semblait cohérent que le réseau des ADA et l’ITSAP-Institut de l’abeille considère ces références pour concilier le maintien de ce service de pollinisation, la préservation de toutes les espèces d’abeilles et la production de miel sur tous les territoires.
L’usage intensif des pesticides, notamment les herbicides, ainsi que l’intensification des pratiques agricoles et sylvicoles, ont largement contribué à la diminution des ressources de qualité dans les agro-écosystèmes ; augmentant de fait les situations de concurrence pour les insectes butineurs. La proposition MAEC-API 2 que nous avons développée a pour objectif de concilier apiculture et conservation des pollinisateurs sauvages ; mais aussi d’engager des changements de pratiques acceptables pour l’apiculture dans certains territoires où cet enjeu de conservation est majeur.
Même restreinte à quelques milliers d’hectares dans les réserves naturelles et les « zones cœur » des parcs nationaux, cette mesure est fortement controversée et peut rencontrer des oppositions farouches chez certains apiculteurs. Bien que la consultation des Conseils d’Administration et des ADA ait confirmé cette réticence, certains apiculteurs adaptent leurs pratiques en concertation avec d’autres acteurs des territoires parmi lesquels les gestionnaires des zones naturelles concernées. Ils ne bénéficient pas pour autant d’aide afin de compenser leur manque à gagner.
Pour préserver la production de miel dans ces territoires où la biodiversité végétale dépérit, la filière peut faire valoir ces propositions face aux nouveaux défis et engager un dialogue avec l’ensemble des acteurs impliqués. Enfin, il apparaît que la lutte contre la mortalité des abeilles et l’effondrement des populations d’insectes, au tire desquelles les abeilles sauvages, passe aussi par le maintien de la biodiversité végétale et la baisse de l’usage des pesticides. Les propositions 3 et 4 vont dans ce sens.
