Frelon asiatique : la lutte s’organise | Interview de Sophie Pointeau

Classé danger sanitaire de 2ème catégorie, le frelon asiatique continue d’être une menace permanente pour les ruchers. Au sein de l’ITSAP, Sophie Pointeau travaille à temps plein pour évaluer et mettre au point des méthodes de lutte.
Quelle est votre formation et en quoi consiste votre mission ?
Sophie Pointeau : Après l’obtention de mon doctorat en bio-écologie des interactions plante-insecte à l’Université d’Orléans, j’ai effectué deux post-doctorats, l’un à l’Université d’Amiens, l’autre à l’INRA d’Avignon. Missionné par la DGAL pour travailler sur la question du frelon asiatique, l’ITSAP recrutait un scientifique pour cette mission au printemps 2016. J’ai donc démarré en mars pour animer deux études sur des méthodes de lutte, avec l’aide d’un comité opérationnel composé de membres de l’ITSAP, d’un collaborateur du Museum national d’histoire naturelle et d’une personne de l’ADAPI.
La première étude porte sur le piégeage des femelles…
S.P. Oui, nous évaluons l’efficacité du piégeage des femelles fondatrices au printemps en analysant différents types variables dans 4 départements test, le Morbihan, la Vendée, les Pyrénées Atlantiques et les Alpes Maritimes. Nous sommes dans une démarche de science collaborative qui implique des bénévoles (particuliers, apiculteurs) qui se chargent de collecter les données sur le terrain. Ils ont été contactés après une campagne de communication importante faite auprès des collectivités, des associations, des écoles, des sociétés de chasse. Des animateurs locaux centralisent et nous transmettent ces données afin que nous puissions les analyser. Le but était pour nous d’impliquer de nombreuses personnes dans cette étude de manière à recueillir un maximum de données.
Où en êtes-vous de l’analyse de ces données justement ?
Le piégeage a eu lieu jusqu’à fin mai et les nids sont actifs jusqu’en novembre donc nous attendons encore des remontées d’informations. Elles seront analysées selon 3 paramètres : le piégeage des fondatrices, le recensement des nids de frelons et la pression de prédation sur les ruchers. 2016 est une année de mise en place du dispositif et de la méthodologie sur lesquels on capitalisera en 2017. Nous bénéficions d’un puissant réseau installé grâce à la grande motivation des partenaires locaux.
Quel est l’objet de la seconde étude ?
Elle cherche à proposer un moyen de lutte à partir d’un appât contaminé avec un insecticide. Tout reste à découvrir : quelle forme d’appât utiliser ? Avec quelle substance active ? A quel dosage ? Nous voulons tester 3 substances actives. Lorsque nous aurons déterminé la bonne formulation, il faudra l’intégrer dans un appât et le tester. Notre étude prend en compte également le risque de rémanence des résidus d’insecticide dans les nids visés. Nous devons mesurer si ce moyen de lutte représente un risque pour l’environnement ou non.
Mais nos premiers essais n’ont pas abouti car nous n’avons pas trouvé suffisamment de nids. Les déclarants des nids veulent les voir détruits et acceptent mal leur maintien pour des raisons expérimentales. L’idée est maintenant de tester en laboratoire les substances actives sur le couvain de frelons asiatiques puis, si les résultats sont concluants, de mener l’expérimentation sur site. Ces essais sont prévus pour 2017. Nous travaillons sur des organismes vivants, notre planning est donc tributaire du cycle biologique de l’insecte et ce type d’études se déroule sur plusieurs années.