Projet FLEUR : la parole est aux étudiants-stagiaires !

Par Itsap-Com, le 9 November 2022

Témoignages des futurs ingénieurs des abeilles

Les expérimentations et la concertation menées dans le cadre du projet FLEUR se déroulent alors que la réglementation sur l’usage des pesticides en période de floraison évolue et encadre davantage les pratiques des agriculteurs. En 2022, année de transition réglementaire, quatre étudiants en master 2 sont venus renforcer les équipes du projet, constituées d’une pluralité d’acteurs dont l’ITSAP, qui a pour objectif de produire des solutions pour mieux concilier les enjeux de la production arboricole, apicole et du service de pollinisation à l’échelle du territoire. Ils livrent ici leur témoignage et leurs premiers résultats.


Gabriel Richon – Etudiant en double diplôme, Master 2 Ecologie à Rennes et Ingénieur agronome ESA d’Angers

Son sujet de stage : l’Etude des leviers d’amélioration du service de pollinisation par Apis mellifera en vergers de pommiers.

« Ce sujet de stage m’a permis de concilier les deux grandes thématiques de mes études en travaillant sur l’écologie de l’abeille mellifère, dans un contexte agricole. Grâce à l’ITSAP-Institut de l’abeille, j’ai découvert le monde apicole et cela a renforcé mon intérêt pour l’entomologie, secteur vers lequel je souhaite m’orienter professionnellement. 

A partir du dispositif expérimental déployé dans le cadre du projet FLEUR chez plusieurs arboriculteurs, j’ai cherché à décrire des pratiques de gestion des colonies et à les tester pour améliorer l’efficacité de pollinisation des vergers de pommiers par les abeilles domestiques, lors des prestations de service. Suite aux diverses expérimentations que j’ai pu réaliser, j’ai remarqué l’effet positif d’une répartition homogène des ruchers, en petites unités de 4 ruches, sur la densité d’abeilles domestiques présentes sur les fleurs de pommiers. Un sujet peu présent dans la littérature scientifique et technique qui mériterait d’être approfondi ».

Comportement de butinage d’Apis mellifera, latéralement (à gauche), frontalement (à droite)(©Gabriel RICHON) .

Marie-Aude Lelu, étudiante en Master d’Ingénieure agronome à Agrocampus Rennes

Sujet de stage : l’Effet des pratiques phytosanitaires agricoles sur les performances de retour à la ruche des butineuses d’Apis mellifera en vergers de pommiers.

« Réaliser mon stage de fin d’études au sein de l’ITSAP-Institut de l’abeille m’a permis une immersion dans le monde de l’apiculture, une expérience riche par les connaissances acquises sur le comportement de l’abeille ainsi qu’une belle initiation à l’écotoxicologie. Le dispositif expérimental déployé au cœur de l’arboriculture provençale était pour moi une belle opportunité d’approfondir ma connaissance de ce système agricole. Cela a renforcé ma passion pour les insectes pollinisateurs, ce qui je l’espère me permettra de m’engager dans une voie professionnelle en lien avec ce sujet.

Pendant ces deux mois de stage, j’ai pu manipuler plusieurs cohortes de butineuses issues de colonies pour évaluer le lien entre leur niveau d’exposition aux produits phytosanitaires, utilisés en vergers de pommiers pendant la période de floraison et leur capacité à retourner à la ruche. Pour cela, nous avons adapté le test de « retour à la ruche », récemment validé à l’OCDE (OCDE DG N° 332, 2021) pour le mettre à l’épreuve en conditions réelles de plein champ. Les résultats obtenus à partir de 5 ruchers ont montré une relation négative entre l’exposition des butineuses et leurs performances de retour. Toutefois, cet effet n’est pas significatif. Cette étude sera à compléter et les résultats déjà obtenus sont à confirmer par d’autres données qu’il faudra acquérir. Un sujet à approfondir lors des échanges avec les agriculteurs sur leurs pratiques de protection des cultures ! ». 

A droite, butineuse accrochée à une barre aimantée (photo de droite) grâce à un aimant collé préalablement sur son thorax (photo de gauche)(©Gabriel RICHON) .

Estelle Bridoux, étudiante en Master Ingénieure fonctionnaire du ministère de l’agriculture à AgroSupDijon

Sujet de stage : l’Influence des ressources florales sur l’exposition des insectes pollinisateurs aux pesticides en zone d’arboriculture.

« Ces six mois de travail dans les vergers auprès des agriculteurs ont été une expérience très enrichissante et déterminante pour mon futur parcours professionnel. Ce stage est l’aboutissement de ma formation d’ingénieure agronome et une bonne transition vers la poursuite de mes études et mon projet de thèse. 

Mon sujet s’inscrit au cœur des discussions actuelles sur l’encadrement réglementaire des pratiques phytosanitaires pour mieux protéger les abeilles et la recherche de solutions afin d’atténuer l’exposition des abeilles aux pesticides pendant la période de floraison. Les partenaires du projet FLEUR (l’ITSAP-Institut de l’abeille, l’INRAE Abeilles & Environnement, l’ADAPI, le GRCETA Basse Durance et la Station Expérimentale La Pugère) et les arboriculteurs volontaires ont semé des couverts fleuris, principalement de la phacélie, sur des surfaces inutilisées. J’ai cherché à tester une méthode pour étudier si ces couverts fleuris atténuaient l’exposition des insectes pollinisateurs (abeille mellifère, bourdons, osmies) aux pesticides épandus. Mes résultats montrent que les insectes pollinisateurs sont exposés à un grand nombre de pesticides lorsqu’ils butinent les fleurs des cultures de pommiers et poiriers ou celles des couverts semés. Cependant, l’exposition est moindre sur les fleurs des couverts fleuris qui ne sont pas traités par rapport aux fleurs des cultures. Plus qu’un résultat définitif, c’est d’abord une méthode que j’ai pu éprouver. Voici un sujet que j’aurai l’occasion d’approfondir en thèse ces trois prochaines années et dont les résultats devraient pouvoir enrichir les réflexions agro-écologiques des agriculteurs, en faveur des abeilles.”

Audric Argillier, étudiant en Master 2, Ingénieur à l’école nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux

Sujet de stage : l’Evaluation de l’exposition des abeilles mellifères aux pesticides en vergers et des conséquences sur les colonies

« J’ai effectué ce stage dans le cadre de mon master 2 de gestion intégrée des agrosystèmes autour des enjeux d’une agriculture plus durable et résiliente. Etudier l’effet des pratiques phytosanitaires arboricoles sur les abeilles mellifères s’intègre parfaitement dans ce cadre. Ces 6 mois passés au sein de l’équipe de l’ADAPI, dans le cadre du projet FLEUR, m’ont permis d’approfondir grandement mes connaissances sur l’abeille mellifère, le fonctionnement des colonies et le danger que représentent les pesticides. Mais aussi de découvrir le travail des apiculteurs sur le terrain et le monde apicole en général. J’ai notamment pu aborder les problématiques de concertation des acteurs apicoles et agricoles et la législation visant à protéger les pollinisateurs de l’utilisation des produits phytosanitaires.  

A partir d’un dispositif original, implanté chez les arboriculteurs, j’ai évalué l’exposition des colonies d’abeilles aux pesticides (pollen et individus) et leur développement pendant la floraison des vergers et en post-floraison. J’ai été particulièrement surpris de constater le niveau élevé de l’exposition aux pesticides et les effets délétères qu’ils produisent sur les abeilles.

Un autre résultat remarquable concerne le butinage des abeilles pendant la période autorisée pour les traitements, une plage horaire comprise entre deux heures avant et trois heures après le coucher du soleil (cf. arrêté abeilles). Les butineuses que je suivais ont présenté une activité notable pendant ce créneau dédié aux traitements (voir figure ci-dessous). Plus précisément, d’une part une température plus faible accélérait le retour des butineuses à la ruche (Figure de droite), et d’autre part, en avril des butineuses terminaient leur butinage au crépuscule (67 min avant en moyenne) et même au-delà (Figure de gauche). Ce travail m’incite à penser qu’il faut poursuivre les collectes de références pour toujours mieux protéger les insectes pollinisateurs dans les milieux agricoles ».


Financement : FEADER, Région Sud-PACA