Méthode Vol de retour • Entretien avec Nicolas Guintini, apiculteur professionnel dans l’Isère depuis 25 ans
Entretien avec Nicolas Guintini, apiculteur professionnel dans l’Isère depuis 25 ans et producteur de miel, de gelée royale et de pollen sous le cahier des charges Agriculture Biologique. Administrateur de l’ADA AURA, référent de la commission Environnement, il met à disposition ses ruchers depuis de nombreuses années dans des projets de recherche et de développement.
La méthode « vol de retour » rejoint toute une série de tests récents, à l’instar des tests larvaire ou chronique, qui permettent de modifier l’évaluation du risque des pesticides. En tant qu’apiculteur et fin connaisseur des problématiques environnementales, quel regard portez-vous sur cette avancée ?
Cela permet de rattraper un grand retard dans la prise en compte des stress chimiques que subissent nos abeilles. Alors que sur le terrain nous mesurons bien leur exposition aux produits, les procédures officielles sous-estiment la diffusion et la rémanence des molécules dans l’environnement ainsi que l’exposition de l’abeille à des mélanges de résidus. Certaines investigations des causes de mortalité se basent encore sur les seuils létaux des produits alors que leurs effets, à faibles doses, sont déjà connus et reconnus. La méthode « vol de retour » réduit le décalage existant entre les tests officiels et les observations quotidiennes que nous pouvons faire, au contact des abeilles. Le nouveau défi serait de pouvoir mesurer demain les effets des fongicides et des cocktails.
Vous avez une expérience internationale sur ces sujets. Comment vos collègues européens perçoivent-ils les travaux de leurs homologues français ?
Ils comptent beaucoup sur les avancées des scientifiques hexagonaux. Les équipes françaises, motivées par les apiculteurs, ont mieux pris en compte les observations de ces derniers, comme la perte des butineuses, pour la méthode « vol de retour ». Intervenir en amont de l’autorisation des pesticides, en proposant des tests qui considèrent davantage les effets constatés sur nos ruchers, semble pertinent. En France, nous avons noté une évolution depuis que l’ANSES tente de mieux comprendre les situations vécues sur le terrain. Il est important que la filière française s’empare de ces avancées scientifiques et techniques et qu’elle leurs donne une résonnance capable d’infléchir les politiques publiques. Il faut être uni et persévérant pour que les choses changent. Je suis convaincu que la qualité environnementale est un pilier essentiel des performances de nos exploitations.
Que signifie pour vous la validation d’une nouvelle méthode dans le contexte actuel ?
Le déclin de la biodiversité des pollinisateurs demande de réagir vite. Ce type d’innovation apporte une pierre à l’édifice dans la lutte contre ce processus. Dans un contexte d’autorisation des pesticides très versatile – l’exemple des néonicotinoïdes le prouve – l’officialisation d’une méthode est une avancée : le retour en arrière ne sera plus possible. Alors qu’il existe des tensions et des oppositions entre apiculteurs amateurs et professionnels, entre les conservateurs de l’abeille noire et les autres apiculteurs, ou encore entre apiculteurs et protecteurs des abeilles sauvages, ce type d’évolution de la réglementation sert les enjeux de tous et devrait permettre de dépasser les divisions.
Vous êtes plutôt optimiste alors ?
Compte tenu l’année catastrophique que nous vivons sur le plan apicole, le moral n’est pas au beau fixe. Mais il est vrai qu’au regard des pressions nombreuses que subit l’apiculture – le changement climatique, les maladies, la concurrence sur le marché du miel, etc. – la validation d’une méthode inédite pour améliorer la qualité de l’environnement de nos abeilles fait partie des bonnes nouvelles. Maintenant, je reste persuadé que les solutions durables restent l’alternative aux pesticides pour protéger nos cultures.