De l’échec de traitement à la résistance des varroas

Les questions de l’efficacité des traitements contre varroa et de l’existence de parasites résistants aux traitements se confondent souvent. Si la résistance de certaines populations de varroas est avérée, d’autres causes peuvent expliquer des échecs de traitements.
Des cas de résistance connus
La résistance développée par les varroas au tau-fluvalinate (Milani, 1995) a entrainé l’arrêt de l’emploi de l’Apistan (médicament contenant cette substance active) pendant de nombreuses années. Le manque d’alternative parmi les substances les plus efficaces a amené dans certains cas à l’emploi régulier d’amitraz, entrainant des risques d’accoutumance.
Des cas d’échec de traitement avec Apivar (médicament largement utilisé en apiculture et contenant de l’amitraz) ont été caractérisés depuis plusieurs années par la FNOSAD(1). Les tests de sensibilité des varroas aux acaricides (Bonnafos et al., 2011) ont mis en évidence des populations de varroas résistants à l’amitraz, au tau-fluvalinate et au thymol, et plus récemment encore la présence de varroas résistants à l’amitraz sur plusieurs ruchers français (Almecija, 2019).
Le lien entre l’existence de varroas résistants dans les ruchers et les défauts d’efficacité des médicaments reste pourtant peu clair. Le suivi de l’efficacité des médicaments et la recherche des causes de leur dysfonctionnement font partie de la démarche globale de surveillance des médicaments vétérinaires.
Le suivi d’efficacité d’un traitement
L’efficacité d’un médicament est l’indicateur qui intéresse directement l’apiculteur(2). Le suivi d’efficacité consiste à observer « sur le terrain » la réduction de l’infestation varroa sous l’effet d’un traitement. La démarche nécessite d’appliquer un traitement supplémentaire (traitement de contrôle) pour quantifier l’infestation résiduelle suite au traitement évalué. L’efficacité (en %) est calculée par le ratio entre les chutes de varroas dénombrées au cours du traitement et les chutes totales au cours du traitement suivi d’un traitement de contrôle (Figure 2). Elle permet d’évaluer la capacité du traitement à réduire l’infestation d’une colonie.
Figure 1 : Protocole schématisé et calcul mis en œuvre pour le suivi d’efficacité.
Pourquoi un traitement peut-il être inefficace ?
Un manque d’efficacité peut avoir plusieurs causes :
- Un défaut de fabrication du médicament (mauvaise qualité de la substance active, dose erronée, défaut de préparation galénique) ;
- Des recommandations d’emploi non respectées : mauvais usage (mauvais positionnement du médicament, utilisation trop tardive ou en dehors des conditions connues pour favoriser l’efficacité du traitement : température externe, activité des abeilles, absence de couvain, etc.) ;
- Des conditions d’emploi défavorables (propolisation des supports de diffusion par les abeilles, présence importante de couvain dans lequel les varroas se soustraient à l’action des acaricides, niveau d’infestation initial très important, ré-invasion de la colonie par des sources de re-contamination alentours) ;
- Des varroas moins sensibles au traitement (dose devenue trop faible, par exemple) ou ayant acquis une résistance (substance active a perdu sa toxicité).
En cas de défaut d’efficacité, il est donc important, afin de prendre les mesures correctives adéquates, d’identifier l’origine du phénomène : l’applicateur, le traitement ou le varroa ?
Évaluation de la sensibilité/résistance de varroa
La sensibilité/résistance à une substance s’évalue « au laboratoire », en conditions contrôlées, à partir de varroas vivants. La sensibilité des varroas aux doses testées au laboratoire n’intéresse généralement pas directement l’apiculteur car il est difficile d’extrapoler ce résultat à une situation « réelle ». L’existence d’un risque de résistance à une substance est par contre indispensable à connaitre pour l’apiculteur afin de choisir un traitement.
Les répercussions chez l’apiculteur
Quel est l’impact de la caractérisation d’une résistance à une substance acaricide sur l’emploi des traitements ? Au niveau individuel l’apiculteur ne dispose pas de moyens pour connaitre la présence de varroas résistants dans ses ruchers. Les vétérinaires et les GDS doivent être informés sur l’existence ou la suspicion de résistance ou d’échecs de traitement existants dans une région. Ils préconisent les traitements en fonction des risques connus et afin de favoriser l’alternance des substances actives.
Après un traitement, il est nécessaire d’estimer l’infestation des colonies d’un rucher(3) pour évaluer le besoin d’une intervention complémentaire et son urgence.
Seul un protocole spécifique permet de quantifier l’efficacité d’un traitement. En cas d’échec de traitement documenté avec des données de suivi d’infestation et/ou de calcul d’efficacité, un apiculteur, un vétérinaire ou un technicien sanitaire apicole (TSA) peuvent déposer une déclaration de pharmacovigilance auprès de l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire (ANMV)(4).
Conclusion
Il ne faut pas confondre « échec de traitement » et « résistance d’une population de varroas à une substance ». Si le résultat est parfois le même (inefficacité avérée du traitement), les risques liés aux deux phénomènes ne seront pas gérés de la même façon. On parlera d’échec de traitement lorsque l’emploi d’un médicament n’apporte pas l’amélioration attendue de la colonie traitée. Il s’agit alors de comprendre l’origine de l’inefficacité observée pour gérer le risque :
- Au niveau de l’apiculteur, faut-il renforcer sa stratégie de lutte du fait d’une infestation initiale trop importante ? Faut-il modifier l’emploi du traitement (augmenter son temps d’application par exemple) ou utiliser d’autres médicaments ? Des mesures simples prises dans le cadre d’un accompagnement (GDS, vétérinaire) peuvent permettre de gérer l’apparition ou la propagation de résistance et conserver l’arsenal thérapeutique malgré l’efficacité parfois défaillante de certains produits commerciaux ;
- Au niveau collectif (PSE, OVS), la gestion de l’efficacité des médicaments et de la résistance des varroas est basée essentiellement sur l’alternance des substances actives et la réduction de la pression de sélection (limitation d’emploi des médicaments).
Le développement d’outils de diagnostic précoce de la sensibilité des varroas, associé à l’évaluation de l’efficacité des traitements disponibles, permettrait d’apporter des éléments indispensables dans le choix des traitements varroas et leur combinaison pour une maitrise du parasite dans les colonies.
(1) Voir Vandame J. dans La Santé de l’Abeille (2008, 2010, 2013, 2014, 2015)
(2) Avec la cinétique d’efficacité, les conditions d’emploi du traitement et les risques pour les colonies.
(3) Par lavage d’abeilles (cf fiche technique « lavage d’abeille » de l’ITSAP, de l’ADANA, de l’ADAPI etc.) ou dénombrement sur lange des varroas lors d’un traitement complémentaire ou par observation de leur mortalité naturelle
(4) https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr/